Abby McAlban – Tome 1, chapitre 1

Voici le chapitre 1 du premier tome d’Abby McAlban, Les Gardiens, écrit en 2010. J’ai pris la décision de ne pas le corriger ni le reformuler, il est dans son jus, comme l’adolescente de 17 ans que j’étais l’a écrit et autoédité à l’époque. Bonne lecture !

Comment un homme devient-il un homme ? Est-ce à cause de ses origines ? Ou bien par les actions qu’il réalisera au cours de sa vie ? En tout cas, je suis sûr d’une chose, un homme ne naîtra pas tel quel. C’est grâce aux choix qu’il entreprendra qu’il deviendra ce qu’il est.

Professeur Jeffrey W. Howard

Chapitre 1

Abby s’allongea sur son matelas. Cette journée de cours l’avait complètement épuisée. Elle n’avait même pas le courage de regarder si elle avait des messages. Les paupières closes, la jeune fille repensait au rêve qu’elle avait fait la nuit dernière.

C’était toujours le même. Elle se voyait, assise dans une clairière avec son frère jumeau, Maxwell. Tous deux parlaient tranquillement quand soudain le vent se levait et balayait la forêt. Sous les yeux éberlués d’Abby, son compagnon disparaissait subitement.

Se retrouvant seule au milieu des grands arbres sombres, la jeune fille commençait à paniquer, quand soudain, une voix douce et rassurante se faisait entendre. C’était celle d’un garçon. Toute crainte oubliée, Abby suivait le son mélodieux pour arriver sous un immense chêne. Là, une silhouette l’attendait, appuyée contre une pierre. L’adolescente voulut se diriger vers la personne, mais celle-ci se terra davantage dans l’ombre, lui faisant signe de ne pas avancer. Abby s’arrêta, surprise. Voyant qu’elle ne comprenait pas, la silhouette dit d’un ton apaisant :

– Ne t’en fais pas. Tu sauras qui je suis, au moment venu. Mais il vaut mieux pour toi et pour moi que nous ne nous voyions pas pour l’instant.

Avant qu’Abby ne puisse protester, le sol s’ouvrait sous ses pieds, et elle n’avait que le temps d’apercevoir deux yeux dorés, brillant sur le visage caché dans l’ombre de l’inconnu.

Abby ouvrit les yeux. En regardant vers son réveil, elle réalisa qu’elle s’était endormie durant quelques instants.

– Encore ce fichu rêve sans aucun sens, marmonna-t-elle en sortant de son lit.

Soudain, quelque chose qu’elle n’avait pas remarquée avant attira son attention. Ses couvertures, pourtant propres avant qu’elle ne s’endorme, étaient zébrées de grandes traces noires ressemblant étrangement à de la suie. Ne se rappelant pas avoir fait cuire quelque chose dans son lit, Abby examina attentivement les draps. Oui, c’était bien de la suie qui parsemait le lit. Mais d’où pouvait-elle provenir ?

Elle remarqua également que sa peau était étrangement rouge et qu’elle mourait de chaud.

L’adolescente sortit de sa chambre dans l’intention de se rafraîchir. Ses vêtements étant noirs naturellement, Abby ne s’aperçut qu’ils étaient maculés de suie eux aussi que lorsqu’elle s’assit sur le canapé du salon et qu’un nuage noir l’enveloppa.

S’étouffant à moitié, les mains et le visage barbouillés de poussière sombre, la jeune fille n’entendit pas son frère entrer dans l’appartement. Celui-ci fut d’ailleurs très surpris de voir le salon envahi de fumée.

En voyant sa jumelle suffoquer, Maxwell prit une grande inspiration et aida la jeune fille à sortir du nuage. Il claqua la porte derrière lui et observa sa sœur de la tête aux pieds avant d’éclater de rire. Vexée, Abby croisa les bras sur sa poitrine, adoptant une moue boudeuse. Tout en se tordant de rire devant l’expression furieuse de sa jumelle, le jeune garçon réussit à articuler :

– Mais enfin, qu’est-ce qui s‘est passé ici ?

– Je ne vois pas pourquoi je te raconterais ça. Si c’est pour que tu te moques encore une fois de moi, ça ne vaut pas la peine, répliqua Abby en tournant le dos à son frère.

– Oh allez petite sœur, ne sois pas fâchée, sourit Max. Promis, je ne me moquerai pas.

Obstinée, Abby partit dans le petit couloir de l’appartement de son oncle pour atteindre la salle de bain et claqua violemment la porte au nez de Max, pour bien lui faire comprendre qu’elle était énervée.

En entendant le verrou tourner, le jeune garçon soupira. Sa sœur pouvait être terriblement têtue par moments. Vaincu, il traîna les pieds jusqu’à sa chambre.

Cela faisait douze ans que Maxwell et Abigail McAlban vivaient chez leur oncle, Thomas McAlban. Leurs parents étaient morts dans un terrible accident, leur train ayant été percuté par un autre train suite à une erreur de trajectoire. Depuis, les jumeaux de quatre ans, seuls survivants de l’abominable crash, avaient été envoyés chez la seule famille qu’il leur restait, le frère de leur père.

Thomas n’ayant pas d’enfant et aimant profondément son neveu et sa nièce, il avait accepté de les recueillir, malgré le fait qu’il n’ait pas beaucoup de temps à leur consacrer.

Il vivait seul jusque-là, et cette arrivée inattendue lui avait permis d’évoluer et de découvrir les joies de la vie en dehors du travail. Thomas était agent de terrain au FBI et il avait de durs horaires, mais il trouvait toujours le moyen de s’occuper des deux adolescents, maintenant âgés de seize ans et demi. Malgré cela, les jumeaux avaient pris l’habitude d’être seuls chez eux.

Max s’assura que sa sœur était bien enfermée dans la salle de bain avant de se barricader lui-même dans sa chambre. Il s’assit en face de son ordinateur, allumé jour et nuit, et enfouit son visage dans ses mains. Cet aparté lui avait momentanément fait oublier ses ennuis de la journée.

Comme tous les jours, le jeune garçon était allé au lycée avec Abby et son meilleur ami, Grégoire Hafer. Arrivé là-bas, il y avait rejoint sa petite amie, Héléna, une belle jeune fille aux longs cheveux châtains et aux grands yeux gris.

Jusque-là, tout avait été parfaitement normal. Maxwell avait plongé son regard dans celui de la jeune fille et c’est là que tout avait commencé. Le silence avait été rompu par une voix, ressemblant étrangement à celle de Héléna. Le jeune garçon avait sursauté. Inquiète, sa petite amie scruta son visage soudainement bouleversé.

– Qu’est-ce qui se passe ? lui demanda-t-elle.

– Tu n’entends rien ? s’écria Max en essayant de couvrir la voix qui résonnait autour de lui.

Héléna fronça les sourcils, tendant désespérément l’oreille. Max se concentra afin de comprendre ce que disait la mystérieuse voix, que lui seul semblait pouvoir entendre. C’est alors qu’il réalisa ce qui se passait. Ce n’était pas la voix de Héléna qui lui parvenait, mais ses pensées ! Son esprit bourdonnait de souvenirs, d’envies, de chagrin, de joie.

Ne comprenant pas ce qu’il lui arrivait, Max devint aussi pâle qu’un fantôme. Il bredouilla qu’il devait aller voir Grégoire et fila sans demander son reste avant que la jeune fille ne le questionne.

Lorsqu’il aperçut son meilleur ami, au milieu d’autres garçons, Max bondit sur lui. Surpris de le voir aussi paniqué, Grégoire l’éloigna du groupe.

– Ça ne va pas mon vieux ? le questionna-t-il. Tu es tout blanc.

Max tremblait comme une feuille, le front couvert de sueur.

– Greg, tu es mon meilleur ami … Promets-moi, sur notre amitié, que tu ne diras à personne ce que je vais te dire.

– Je te le promets, assura Grégoire. Maintenant, dis-moi ce qui t’a mis dans cet état !

– Tout à l’heure, j’étais avec Héléna devant le lycée. Tout allait bien. C’est dès que je l’ai regardée dans les yeux. Je … J’ai pu entendre ses pensées.

Grégoire fixa son ami d’un air ahuri. Max soupira :

– Je sais, tu penses que je suis fou. Mais je n’ai rien inventé et je …

Max n’eut pas le temps de finir sa phrase. Dans sa tête, la voix de Grégoire se mit à résonner. En se concentrant, il entendit ce que pensait son ami à cet instant précis. Comme il l’avait prévu, il doutait à présent sérieusement de sa santé mentale.

Le jeune garçon releva la tête, écartant la longue mèche de cheveux noirs qui masquait ses yeux. Il vit que Grégoire le considérait étrangement.

– Ecoute, je … commença-t-il.

– Max, nous sommes amis depuis la petite section de maternelle. J’ai toujours cru ce que tu me racontais, et vice versa. Mais là, je dois t’avouer que j’ai un peu de mal à avaler que mon meilleur ami puisse lire les pensées des autres.

– Je sais, j’entends tes pensées à cet instant même, marmonna le jeune garçon.

– Je ne te demande qu’une preuve, réclama alors Grégoire. Je veux être sûr que tu ne me mens pas.

– Tu n’as pas confiance en moi ? s’indigna Maxwell, vexé.

– Bien sûr que si ! Mais cette histoire me paraît tellement bizarre … Enfin quoi, mets-toi à ma place !

– Tu as raison, excuse-moi. Eh bien, euh … Je ne vois pas très bien comment je pourrais te prouver que … Ah si ! J’ai une idée ! Choisis un chiffre. Il peut être entre un et un million, et je te dirai lequel c’est.

Grégoire réfléchit un instant avant de s’exclamer :

– Neuf !

– Dans ta tête, abruti.

Le jeune garçon regarda Max sans comprendre. Son ami leva les yeux au ciel et expliqua en détachant chaque syllabe, comme lorsque l’on tente de dire quelque chose à un enfant de deux ans :

– Tu dois dire le chiffre dans ta tête, pour que je ne puisse pas l’entendre !

– Ah oui, très juste ! s’exclama Grégoire avec un petit rire. Très bien, vas-y.

Maxwell se concentra de nouveau sur les pensées du jeune garçon et s’exclama sans la moindre hésitation :

– Cent quatre-vingt-quinze !

Grégoire resta bouche bée. Il murmura, impressionné :

– Franchement, je ne sais pas quoi dire. C’est … incroyable ! Et encore, ça ne suffit pas à exprimer ce qui t’arrive !

– N’oublie pas, tu n’en parles à personne. Pas même à ma sœur.

– Tu veux cacher ça à Abby ? hoqueta Grégoire. Mais vous êtes jumeaux, vous devez tout vous dire !

– C’est quoi ce cliché ? Je ne veux pas qu’elle le sache, point, insista Maxwell. Tu me le jures ?

– Sur notre amitié, répondit Grégoire.

Soulagé que son ami l’ait cru et lui fasse confiance, Max le suivit vers leur groupe de copains, qui les attendaient pour aller en cours. Le reste de la journée s’était déroulé sans le moindre autre incident, bien que Grégoire ne cessât pas de lancer des regards inquisiteurs vers son ami.

***

Le téléphone, posé sur le lit du jeune garçon, sonna, sortant subitement Maxwell de sa rêverie.

– Allô ? marmonna-t-il d’une voix peu enthousiaste.

– Bonjour, Atsu Cambell à l’appareil. Je souhaiterais parler à l’agent spécial Thomas McAlban je vous prie.

– Ah je regrette, mais l’agent McAlban ne rentrera pas avant plusieurs jours, répondit Max. Je peux prendre un message ?

Il entendit son interlocutrice murmurer quelque chose, avant de reprendre :

– Je m’excuse, mais je ne suis pas autorisée à dévoiler le motif de mon appel. Merci de dire à l’agent McAlban que nous avons appelé. Au revoir !

Avant que Max ne puisse répliquer, sa correspondante raccrocha.

– Très étrange, murmura-t-il en fixant le téléphone.

– Qui c’était ?

Max se retourna et vit Abby qui le regardait, debout devant sa chambre, ses cheveux noirs dégoulinants dans son dos.

– De la pub, rien d’important, mentit-il.

Abby haussa les épaules, puis se rendit dans sa chambre. Elle savait que son frère lui cachait quelque chose. Depuis qu’ils étaient petits, il y avait un étrange lien entre eux deux. Thomas disait qu’ils avaient beaucoup plus l’air de vrais que de faux jumeaux.

Les deux adolescents se ressemblaient énormément : longs cheveux noirs et raides, mèche cachant une bonne partie de leur visage, grands yeux verts et pétillants. Tous deux étaient aussi minces que des chats, mais Max dépassait sa sœur d’une dizaine de centimètres. Ils avaient également le même caractère, légèrement timides, affectueux, drôles, bavards.

Mais surtout, les deux jumeaux étaient complètement inséparables. Lorsqu’à leur entrée en première année de lycée ils avaient été séparés, ils avaient supplié leur oncle d’écrire au principal de l’établissement afin de les réunir. L’administration de l’école semblait avoir compris que les jumeaux ne pourraient pas se concentrer en étant aussi loin l’un de l’autre. Aussi, pour leur deuxième année, qui touchait désormais à sa fin, Maxwell et Abby avaient eu la joie de se trouver une fois de plus dans la même classe. Là, ils avaient retrouvé Grégoire, le meilleur ami de Maxwell. Tous les trois étaient constamment ensemble, accompagnés de Héléna.

Rapidement, Abby sécha ses cheveux, enfila un jean et un sweat, puis entreprit d’enlever ses draps sans renverser de suie par terre. Au prix de gros efforts, la jeune fille réussit à transporter les couvertures jusque dans la machine à laver sans salir la moindre parcelle de sol. Elle se dépêcha de refaire le lit, puis s’assit à son bureau, face à l’écran de son ordinateur. Dès que la page Internet s’afficha, Abby tapa sa recherche : Combustion humaine spontanée. De nombreux articles s’affichèrent, relatant des cas extrêmement rares de personnes ayant littéralement pris feu. L’origine de ce phénomène restait inconnue aux scientifiques du monde entier. Mais, chaque personne ayant brûlé était morte sur le coup, les flammes provenant de l’intérieur de leur corps.

– Bon, ce n’est pas la combustion humaine, soupira-telle. Mais qu’est-ce qui m’est arrivé alors ?

Max l’appela pour manger, la sortant de sa recherche d’hypothèses. Le repas se déroula dans le calme, en face de la télévision. Les informations venaient de commencer. Max monta le volume et se resservit une part de pizza.

– Peut-être que l’enquête de Thomas va passer aux infos, rigola-t-il.

Abby donna un coup de coude à son frère en riant avant de se concentrer sur le poste. Ce qu’elle venait d’entendre l’intéressait profondément. Une journaliste parlait à la caméra, un parc pour enfants derrière elle :

– Bonjour, ici Gail Hanston en direct du parc d’Arvest Street à Mood’s Town. Des événements étranges se sont produits ici la nuit dernière. Des témoins affirment avoir vu un étrange individu rôder dans les parages, aux alentours de deux heures du matin. Les caméras de surveillance du parc confirment leur histoire.

Suivant ses paroles, les images filmées par la caméra défilèrent sur l’écran.

Assis sur la balançoire, on pouvait voir l’ombre d’un adolescent. La faible lumière des lampadaires empêchait de distinguer les traits de son visage, mais pourtant, Abby eut aussitôt la conviction de l’avoir déjà vu quelque part. Une bande de garçons, sans doute âgés d’une vingtaine d’années, s’approcha de la balançoire, menaçant vraisemblablement l’adolescent. Pourtant, malgré le danger que représentaient les jeunes hommes, l’inconnu ne semblait pas s’inquiéter outre mesure.

Lorsque le groupe fut à seulement quelque pas de lui, il se leva de la balançoire. On voyait les silhouettes s’agiter, s’adressant à l’adolescent parfaitement immobile. L’un d’eux, exaspéré, attrapa une pierre et la jeta violemment à son adversaire. C’est alors qu’il se produisit quelque chose d’incroyable.

L’inconnu leva la main face au projectile, qui se figea dans les airs, à quelques centimètres de sa paume. Lorsqu’il abaissa le bras, le caillou tomba mollement à ses pieds. Les buissons se mirent à s’agiter sous le coup d’un vent violent, et des centaines de pierres, jonchant le sol sableux de l’aire de jeux, se soulevèrent en un seul mouvement dans les airs et se mirent à tournoyer rapidement autour de celui qui était à l’origine de ce miracle. L’adolescent bougea légèrement la main et les roches filèrent à une vitesse alarmante vers ses persécuteurs.

Meurtris sous les coups, tous s’effondrèrent. Le calme revint immédiatement dans le parc. La silhouette, droite comme un bâton au milieu des jeux pour enfants, tourna brusquement la tête vers la caméra. Deux yeux dorés brillèrent dans la nuit.

Abby poussa un cri de stupeur. Ces yeux … Elle les avait déjà vus quelque part. L’image disparut, remplacée par des parasites. La journaliste réapparut, commentant la vidéo, un air perplexe peint sur le visage.

Très mal à l’aise, Abby reposa son assiette et décampa dans sa chambre avant que son jumeau ne lui pose des questions. La jeune fille barricada sa porte et se jeta sur son lit, essayant de mettre de l’ordre dans ses souvenirs. Où avait-elle vu cet étrange garçon aux yeux couleur or ? A force de réfléchir, Abby sombra dans un profond sommeil. Et, pour la première fois depuis plusieurs mois, elle ne fit aucun rêve.

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