Exercice : Un monde sans fantasy

Exercice : Un monde sans fantasy
Monde sans fantasy

Il y a quelques années, j’ai suivi des cours en ligne sur le thème de la Fantasy. Pour valider le diplôme, j’ai dû écrire un texte qui avait pour thème : « Un monde dans fantasy ». Mon dévolu s’est aussitôt porté sur les elfes, ce peuple qui me fascine et qui revient dans beaucoup de mes livres.

Tout a basculé le jour où ils sont arrivés. Ils sont sortis de la grande forêt, en masse, et ont eu vite fait d’envahir la petite ville de Black River. Il était difficile de les dénombrer. Deux mille ? Trois mille ? Dix mille ? J’étais incapable de le dire.

Ce qui était bizarre chez eux, c’était qu’ils nous ressemblaient. Ils avaient deux bras, deux jambes, une tête, la peau claire et les yeux aux couleurs diverses. Mais ils n’étaient pas humains pour autant. La différence la plus notable était leurs oreilles, qui au lieu d’être rondes se terminaient en une pointe qui dépassait légèrement de leurs longs cheveux, tous d’un blond presque blanc. Les mâles étaient de grande taille, plus d’un mètre quatre-vingt, alors que les femelles faisaient un mètre soixante-cinq tout au plus. Ils avaient tous un visage d’une extrême beauté, presque surnaturelle, empreint généralement d’une expression hautaine.

À leur arrivée, ces créatures ne parlaient pas notre langue, mais un dialecte mélodieux. En quelques jours à peine, ils ont appris à nous parler et ont dit être des elfes. Nous n’avons pas mis longtemps à comprendre leurs intentions.

Black River est isolée au milieu de la forêt, et la ville la plus proche se trouve à trois heures de voiture. Il n’y a que des arbres, des lacs, des cavernes à des kilomètres à la ronde. Nous étions déjà coupés du monde avant cela, mais depuis l’arrivée de ces elfes, les choses étaient pires. Plus aucun appareil de communication ne fonctionnait, les téléphones, les ordinateurs, ni même le vieux télégraphe. Aucune voiture ne passait plus sur la route et ceux qui avaient essayé de partir avaient été retrouvés morts quelques jours plus tard à la lisière des bois. Les elfes ne disaient rien, ne revendiquaient rien, mais nous savions pertinemment qu’ils étaient les responsables de ces meurtres.

Leur but était simple : nous observer. Nous étions des sujets d’étude pour eux, au même titre que des rats de laboratoire. Ils voulaient comprendre comment nous vivions, nous, les humains, quelles étaient nos caractéristiques. Ils interagissaient très peu avec nous et se contentaient de nous suivre, tous, dans les rues, dans nos habitations, dans les boutiques. Ils nous fixaient de leurs grands yeux et prenaient des notes sur des calepins.

J’avais déjà essayé de leur parler, sans grands résultats. J’avais voulu savoir d’où ils venaient et pourquoi ils faisaient tout cela, mais j’avais en général droit en guise de réponse à un regard pénétrant et à une prise de notes compulsive. Jusqu’à ce que je rencontre Rosalaë.

Ce jour-là, elle avait commencé à me suivre dès que j’étais sorti de ma maison, un carnet et un crayon entre les mains. Ce n’était pas la première fois qu’un elfe venait ainsi épier mes moindres faits et gestes, mais j’ai vite senti que celle-ci n’était pas comme les autres. Elle ne prenait presque aucune note, et quand elle le faisait, c’était d’un air las, accompagné de profonds soupirs. Elle ne cessait de regarder vers la forêt qu’on apercevait au loin, songeuse, presque mélancolique.

Pendant le trajet à pied en direction de mon lycée, nous n’avons pas échangé un mot, comme il était de coutume quand un elfe venait en observateur. Je n’arrêtais pas de lui jeter des coups d’œil à la dérobée. Elle était incroyablement belle, peut-être plus encore que ses semblables. Ses longs cheveux étaient d’un blond très clair et ses prunelles avaient la couleur de l’ambre. Elle avait les traits délicats, la taille fine et la peau blanche, et ses oreilles pointues dépassaient légèrement de sa chevelure.

J’arrivais en vue de l’école quand j’entendis un énième soupir. Je cessai brusquement de marcher, la faisant légèrement sursauter, et je me tournai vers elle.

– Est-ce que tout va bien ? lui demandai-je.

L’elfe cligna des yeux, surprise.

– Qui, moi ? fit-elle, incertaine.

Elle avait une voix douce et calme, dans laquelle on pouvait deviner une pointe d’accent de sa langue maternelle.

– Oui, je ne crois pas qu’il y ait quelqu’un d’autre par ici, dis-je en souriant.

L’étonnement de l’elfe fut rapidement remplacé par un voile de lassitude et elle souffla de nouveau.

– Oh oui, répondit-elle. Je suis juste nostalgique de ma forêt.

– Vous ne pouvez pas y retourner ?

L’elfe secoua tristement la tête.

– Non, ou je me ferais tuer, exactement comme les humains qui ont essayé de fuir. Notre chef tient beaucoup à cette étude et il ne plaisante pas avec la discipline.

– Oh, alors vous n’étiez pas tous d’accord pour venir ici ? compris-je.

– Absolument pas ! s’exclama-t-elle. Nous étions bien dans notre forêt, mais…

Elle s’interrompit, comme si elle réalisait soudain en avoir trop dit.

– Je ne peux pas parler de cela avec un humain, reprit-elle. Continuez vos activités, je dois rendre mon rapport ce soir.

Elle replongea son nez dans son cahier, mais je sentais qu’elle aurait voulu continuer. J’hésitai un moment, puis je lui tendis la main.

– Je m’appelle Max, me présentai-je. Et vous ?

Une fois encore, elle eut l’air surpris, mais elle saisit tout de même ma main et la serra dans la sienne.

– Rosalaë.

Elle me dévisagea sans desserrer sa prise.

– Vous n’êtes pas comme les autres humains, Monsieur Max, remarqua-t-elle. D’habitude, ils ne nous adressent pas la parole, ils ont plutôt l’air en colère que nous les suivions partout.

– Oui, c’est vrai que c’est assez agaçant, reconnus-je. Mais avec vous, je… Je ne sais pas, vous êtes différente.

Je marquai une courte pause tandis qu’elle détournait le regard, embarrassée.

– Pourquoi est-ce que vous avez commencé cette étude sur nous ? voulus-je savoir.

Rosalaë a gardé le silence un long moment.

– Pour apprendre à agir comme vous. Et pour ensuite nous intégrer. Discrètement, bien sûr. Nous faire passer pour des humains. Et … – elle hésita un moment – et vous envahir.

J’écarquillai les yeux. J’allais protester mais elle ne m’en laissa pas le temps.

– Mais je ne veux pas de ça. Je n’aime pas vos villes, vos rues, vos coutumes. J’aime ma forêt et je veux y retourner.

J’observai l’elfe, dont les yeux brillaient soudain de larmes. En entendant ces paroles, j’étais loin de me douter de l’aventure dans laquelle j’allais me trouver embarqué…

< Atelier d’écriture



Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *